Des amis cinéastes, journalistes
ou voyageurs avertis m’avaient beaucoup parlé des cascades de Tlemcen, les vantant
et me rapportant même comment un Bachir Hadj Ali, alors jeune responsable
politique en clandestinité dans les années 50, s’extasiait au lumineux plaisir de
cerisiers sauvages au bord d’eaux fraiches et limpides… C’était avant que les
travaux du barrage de Meffrouch (« l’étalé »)
ne soient achevés en 1960…
Panorama paradisiaque d’
El Ourit (Photo d’archives)
Ces chutes de cascades d’El Ourit (le gouffre) , les tlemcéniens y vont
en petits groupes de camarades ou en famille ainsi que les touristes par la
vieille route en lacets reliant Tlemcen à Alger par Sidi Bel Abbès et Mohammedia,
que l’autoroute est-ouest aujourd’hui a remplacée, bien loin des pics
escarpés avec un de ses passages qu’on nommait « le col du juif » ….
En sus de la retenue drastique des eaux par le barrage en amont, la
baisse de la pluviométrie ces trois dernières décennies a durement asséchée cette
région majestueuse en faisant disparaitre nombre d’arbres fruitiers à
l’exception des pins le long des rives de l’oued ou l’olivier qui s’accroche encore
bien aux falaises…
Cet immense précipice vers lequel je lève les yeux me rappelle celui
des gorges de la Chiffa (Médéa) ou de Lakhdaria (ex Palestro, wilaya de Bouira)
à des centaines de kilomètres de là…
Dés la fin du 19ème siècle, un train faisait gronder la
montagne en direction de Tlemcen qui n’était qu’à quelques kilomètres en « sortant du tunnel creusé dans les dolomies traversant
un pont, ouvrage unique en son genre, construit par Gustave Effel, le
réalisateur de la tour de Paris qui porte son nom » (« Tlemcen en un clin d’œil » par
Bouayed Mohammed Morsli, 2017)
Le musicien Hami Benosmane de Tlemcen (mon guide avec l’ami Kamel
Bendimered dans cette visite) me précise une fois au bord du grand bassin (« Zerga ») que « les femmes allaient à la cascade pour laver la laine et, toutes
occupées à leur labeur, se récitaient entre elles des poèmes improvisés; c’est
l’origine du Haoufi, d’où en arabe le verbe « thaouef » :
déclamer ce genre de poésie…
De ce mode féminin nous reste, entre autres, un beau chant de Cheikha
Tatma (1891-1962) une des étoiles de la chanson maghrébine avec Meriem Fakkaï
dans les années 30 du 20ème siècle:
« je me suis rendu à el Ourit
« j'ai découvert des rochers entre lesquels coulait une eau abondante
« je me suis rendu aux cascades pour les visiter
« J'ai aperçu quatre jeunes femmes qui y lavaient du linge
« la première une lune, la seconde en cristal,
« la troisième ô mon frère a enflammé mon cœur,
« Et la quatrième, ô mon frère, une brûlure sans feu ».
« je me suis rendu aux cascades pour les visiter
« J'ai aperçu quatre jeunes femmes qui y lavaient du linge
« la première une lune, la seconde en cristal,
« la troisième ô mon frère a enflammé mon cœur,
« Et la quatrième, ô mon frère, une brûlure sans feu ».
Vers la plaine, non loin de ce rare micro climat, en revenant vers
Tlemcen, de grands travaux d’ouvrages d’art sont en cours.
Une autre autoroute ? je demande aux amis qui m’accompagnent…
Que nenni! s’empressent-ils
de me répondre. Mais une nouvelle ligne de chemin de fer pour le futur TGV qui
reliera Rabat à Tunis en traversant toute l’Algérie.
Peut-être que sur ce TGV de demain, assis confortablement dans leurs compartiments
aérodynamiques filant à des centaines de kms/heure, les passagers verront-ils, sur
l’écran du dossier faisant face au leur, défiler l’histoire des calèches d’antan
qui menaient les gens hors de la vieille cité prendre l’air des champs et
la fraicheur d’un bain dans les bassins de la cascade d’el Ourit…
Peut être…
Abderrahmane Djelfaoui
Un petit voyage 'de rêve' sans bouger de chez moi. Un agréable souvenir qui remonte aux années 80. merci
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