mardi 18 juillet 2017

Un long court séjour à Miliana

Pour ce samedi là,  il nous fallait aller tôt ma fille et moi de la banlieue d’Alger pour être à Miliana avant 10 heures du matin au Théâtre Mahfoudh Touahri pour un café littéraire consacré à la poétesse Anna Gréki…

Mais avant, via l’ancienne route d’Oran (toujours aussi pratiquée et bellement bordée d’arbres), nous avions à traverser les beaux reliefs de la région de Boumedfaa de sinistre mémoire durant la décennie noire…


Petit arrêt aux abords d’un vignoble où Yasmine pose heureuse

Nous poursuivons en voiture les doux et longs lacets en montée de la nationale jusqu’au col du Kandek qui se trouve à prés de 100 kilomètres de la capitale. Là, au coin d’une minuscule vieille gare de chemin de fer cachée dans les plis du terrain nous bifurquons pour grimper encore plus sur la droite vers Miliana.


Paysages d’air pur où l’on voit que toutes les parcelles de blé ont été bien moissonnées…



Au centre de la ville de Miliana bâtie à 700 mètres d’altitude, la Place de l’horloge, 
son Musée dédié à l’Emir Abdelkader, ses vieilles petites échoppes, 
ses cafés et la majesté de ses platanes en plein été…



… et à leur ombre l’affiche de « l’association des amis de miliana art et culture »
sur le boulevard central à quelques mètres de bons arômes de café et de thé à la menthe…


Après un récit de vie de la poétesse (1931-1966), lecture de quelques poèmes d’Anna
dont « Vivre » écrit après l’indépendance (photo Yasmine Djelfaoui)…


Pour clore la conférence-débat, Hamid Benblidia un ami fidèle de l’association, chante du Georges Brassens dont « L’auvergnat » et « Les copains d’abord »….


Puis c’est la vente-dédicace dans le hall d’entrée du théâtre…


Hall où je rencontre le jeune poète Mohamed Kahoul de Khemis Miliana qui me dédicace son recueil réalisé sous la protection de l’office national des droits d’auteur (photo Yasmine Djelfaoui)…




Après la photo souvenir  du groupe des fidèles de l’association (que nous présenterons plus tard), Lotfi Khouatmi, président, propose une visite guidée d’une partie de la ville que nous commençons par la bâtisse (ex hôtel du Commerce, ex clinique) où séjourna l'écrivain français Alphonse Daudet qui, dans "Les lettres de mon moulin" (1869), écrivit une nouvelle de ce livre consacrée à la ville du Zaccar… On dit qu'il peignit aussi nombre de tableaux sur cette ville...
Nous poursuivons après par le quartier de Toubana au cœur de la médina. (Toubana : qui viendrait, dit-on, de Tob, qui signifie le fort, et Enna : le lieu où l’on place les canons…). C’est dans ce quartier que nous sommes invités à visiter une belle et humble demeure traditionnelle. Une maison avec ouest eddar et fouara qui se trouve située, m’informe notre guide, à quelques mètres de la maison du lieutenant de l’Emir Abdelkader, Ben Allal Ould Sidi Embarek. En face : la maison de Habib Redha…


Dans une chambre bellement éclairée du premier étage, coquette et décorée de quelques meubles de vieille ébénisterie, nous sommes invités à goutter
 d’abord aux pommes d’un verger des pentes de Miliana ; grosses pommes onctueuses et très douces dont je n’avais encore jamais goutté de pareilles même en Tchécoslovaquie…


Puis, premier grand étonnement : Chemseddine, l’enfant prodige de la maison (étudiant en sociologie) nous fait découvrir parmi une pile de vieux livres un ouvrage célèbre d’Ahmed Riza Bey chef de file des Jeunes Turcs, édité boulevard Saint Michel à Paris par la Librairie Picard en 1922..


La seconde surprise est que Chemseddine et sa maman s’adonnent à la peinture artistique. Plusieurs tableaux de la mère (portraits de dames célèbres ou chevaux) sont accrochés aux murs.
Chemsseddine tire un dossier et nous en montre quelques unes réalisées sur papier canson. J’en tiens longuement une à la main…


Après avoir satisfait au plaisir de la gourmandise avec de petits gâteaux faits maison, du bon café et un excellent thé, nous escaladons les derniers escaliers de la maison vers sa terrasse et sa toiture de tuile…



Vue sur les hauteurs de la ville de Miliana et la montagne du Zaccar célèbre pour ses mines de fer, aujourd’hui épuisées,
mais dont une partie de l’extraction servit entre autres à élever la Tour Eiffel…



Lampe portable de mineur de fond du Zaccar gardée précieusement sur une étagère 
d’une autre maison du centre ville
où nous reçoit le Dr. Brazzi Toufik, chirurgien dentiste
mais également ébéniste à ses heures de loisirs,
collectionneur de véhicules d’époque,
constructeur de canons miniature et
réparateur d’horloge dont la plus célèbre est celle de la place centrale de Miliana.

Il nous présente d’abord une belle sculpture en bois léger venant d’Afrique du Sud et qu’il a acquise…



Et le jeune Racim, fils de Lotfi Khouatmi, d’imaginer l’envol au-dessus du feuillage des platanes
de cet oiseau de proie venu de l’autre extrémité de l’Afrique…



La performance (et c’en est bien une) c’est que le très discret Dr. Brazzi a conçu et construit patiemment de ses propres mains cette arbalète ; un prototype d’arme très répandue au moyen âge, fondé sur le principe de l’arc et dont l’origine lointaine remonte à l’antiquité chinoise. Un prototype neuf avec crosse fabriqué à Miliana par un ingénieux citoyen au savoir-faire hérité de père en fils… Un savoir faire qui aurait pu être accumulé dans une Ecole nationale des arts et métiers dont je me demande sincèrement si quelqu’un en ce territoire n’en a jamais eu la moindre et vague idée depuis plus de deux générations… d’autant plus que le Dr. Brazzi a ajouté à cette arme qui se construit un peu partout ailleurs dans le monde un  cran de sécurité qu’elle ne possédait pas !


Le jour et ses découvertes ont-ils une fin ? Une limite ? Un horizon indépassable ?...

Notre promenade (et pour l’essentiel de ce que j’en relate, laissant d’autres précieux détails en réserve dans l’encre virtuelle du clavier de mon PC…), notre promenade me laisse rêveur mais surtout dans un bizarre état de colère-apaisée-non-tout-à-fait-apaisée… Comment voulez vous que je vous dise à propos de tout cela et bien d’autres « restes » à peine à 110 kms de la capitale, un juillet de l’an de grâce 2017 ?...

C’est maintenant que je tiens à vous présenter une partie des actifs de « l’association des amis de Miliana art et culture »…


De gauche à droite messieurs :  Bencharif Mustapha, géomètre ; Hamid Benblidia, retraité du ministère de la culture ; Amrouche, ancien maire de Miliana ; Lotfi Khouatmi, président de l’association ; moi-même avec mon chapeau de paille d’écrivain ; Djezzar un fidèle parmi les fidèles du café littéraire ; Oudjida Kamel, ingénieur ; Benyoucef,  ancien Conservateur du musée de la manufacture d’armes de l’Emir Abdelkader , bédéiste et archéologue ; Slimane directeur de la salle du théâtre et Mahmoud Kahoul, poète…

Pour reprendre souffle il nous fallait bien un autre bon café et surtout un filet de vent frais d’altitude. Ce que nous sommes allé goutter sur une partie dégagée des remparts de la ville, juste en face du mausolée de Sidi Belkacem, le père de Sidi El Kbir de Blida mort vers la fin du 15 ème siècle…





Abderrahmane Djelfaoui, texte et photographies


dimanche 9 juillet 2017

L’ÉTÉ 17 D’ANNA GRÉKI

Le 3ème colloque international Anna Gréki organisé en commun entre la Bibliothèque Principale de Lecture Publique  de Batna et la section locale de l'association culturelle El Djahidiya s’est ouvert dans la capitale des vieux monts des Aurès  le 5 juillet 2017, jour anniversaire de l’indépendance de l’Algérie.

Le monument dédié à Mostefa Ben Boulaid
« Père de la révolution libératrice » au centre de la ville

Mis au courant à peine 48 heures avant son ouverture officielle, j’ai personnellement fait les 400 kms avec ma petite voiture depuis Alger pour y assister…

Longeant les premiers reliefs du  Parc National de Belezma,
face à la plaine où se trouve l’aéroport de la ville de Batna

Ne sachant rien du contenu de cette rencontre dont je prenais connaissance « par la bande », j’y allais  en pensant que je serais le témoin de communications inédites sur l’enfance d’Anna Gréki (alors Colette Grégoire) née à Batna  le 14 mars 1931 et ayant passé les premières années de son enfance au village de Menaa où enseignaient son père et sa mère… « Menaa » titre d’un de ses plus célèbres poèmes écrit en prison et qui ouvre « Algérie Capitale Alger » édité juste une année après l’indépendance en 1963…



La Bibliothèque Principale de Lecture Publique où s’est déroulé deux jours durant le colloque est située au quartier de Hamla 1 ; Bibliothèque moderne qui  jouxte une toute nouvelle mosquée  dans la périphérie de Batna au bout du tracé de la ville qu’on appelle « La route de Biskra »…




Après les discours officiels de bienvenus, l’hymne national et la présentation (originale) de la biographie d’Anna Gréki dite tour à tour en arabe par quatre enfants, les toutes premières personnes dont je fais connaissance dans la salle de conférence de la BPLP de Batna en ce jour anniversaire du 5 juillet sont Mohamed Bensaci, Maitre assistant en littérature comparée à l'université de Batna.et son collègue Zibat Ayeche professeur d'anglais. Ils m’apprennent qu’ils animent depuis 2003 un cercle de débat littéraire indépendant, dont une session fut consacrée à... Anna Greki ("Algerie Capitale Alger")


(quotidien El Watan du 9 mars 2016)


Bensaci m'informe qu'il est même peintre à ses heures perdues...




La séance du colloque du 5 juillet est présidée par le moudjahid et universitaire Larbi Dahou qui la mène avec une faconde intarissable. Une très longue et dense séance qui se termine vers 14 heures et durant laquelle sont données pas moins de quatre conférences :
-« La vue poétique dans la poésie révolutionnaire algérienne », par  Said Ayadi, de l’université de Blida
-« Le discours de libération dans la poésie d’Anna Gréki »,  par Tayeb  Ould Aroussi de l’Institut du Monde Arabe (IMA) de Paris. Directeur de la chaire think thank à l'Institut du Monde Arabe (ou il décortique le discours religieux avec Mohamed Chehrour).
Tayeb Ould Aroussi fait une lecture des deux recueils poétiques d'Anna Greki et en dégage les thèmes de la force du vécu de l'enfance, le village de Menaa, la révolution algérienne, la prison et les dédicaces aux camarades de lutte....
Il note un parallèle de la poésie d’Anna Gréki avec celle d'Eluard et particulièrement celle du tunisien Abou Kacem Echabbi qu’Anna a pu lire a partir d'une traduction de Amer Guedira réalisée en 1956 a Lyon...

Tayeb Ould Aroussi


Les deux autres interventions  de cette première journée:

-« La notion de responsabilité dans la littérature algérienne », par Abderrezak Jellouli, de la Radio algérienne
-« Image du combat algérien  pour la libération dans la poésie d’Anna Gréki »,  (à partir des traductions en arabe réalisées par Lamis Saidi et récupérée sur Internet) par le Docteur Houeida Saleh de la République Arabe d’Egypte (auteur d’un ouvrage : « La Marge sociale dans la littérature. Une Lecture socioculturelle. »)


Sur la question de la marginalisation (sociale, religieuse, sexuelle, linguistique, etc)
traitée dans la littérature égyptienne des années 1990

Lors des débats de cette séance inaugurale, (débats parfois tendus autour des notions d’identité littéraire…) et suite à plusieurs interventions à partir de la salle ainsi que de l’estrade même des intervenants est décidé l’ajout de mon intervention à la séance du lendemain en tant qu’auteur de l’ouvrage : « Anna Gréki, les mots d’amour, les mots de guerre »…

Après une après midi de lectures poétiques diverses qui voit l’intervention d’auteurs en provenance tant de Djelfa, de Sousse et Tunis, de Tanger (Maroc), de Batna, de Tebessa, etc… la séance du lendemain 6 juillet, présidée par Tayeb Ould Aroussi (de l’IMA), donne à entendre trois conférences. Un honneur inattendu m’est fait par le Président de séance d’être le premier intervenant pour, en dix minutes, présenter mon ouvrage et quelques  images fortes de l’itinéraire révolté, révolutionnaire et poétique d’Anna Gréki (1931/1966) avec une particulière insistance sur une question : comment une jeune femme de 26 ans qui vient d’être arrêtée par l’armée coloniale, qui est sauvagement torturée puis emprisonnée à Serkadji avec des dizaines de détenues en vient elle à écrire de la poésie dans la sordide cellule collective qu’elle partage dignement avec 40 autres femmes dont Djamila Bouhired, Zhor Zerari, Nassima Hablal, Jacqueline  Guerroudj et Fadela Dziria?...


Je conclue par l'extrait d'un poème d'amour d'Anna à la mémoire d'Ahmed Inal mort en martyr dans les monts de Tlemcen...



Une des dernières photos d'Ahmed Inal au maquis...

Mon intervention est suivie par la conférence  (particulièrement émouvante) du jeune docteur Ahmed Harichi du Maroc intitulée : « La révolution algérienne vue et soutenue dans la poésie religieuse et séculaire marocaine »


Le docteur Harichi lors de son intervention

Après un riche débat et lecture de poèmes d’Anna, les trois conférences sont suivies par la projection d’un film documentaire réalisé par Abdelkader Mame (connu pour ses nombreux documentaires sur la chaine  El Djazira) intitulé: « Les crimes de guerre coloniaux en Algérie » (réalisé en 2016). Un film dont une importante séquence est consacré à l’enfumade de la tribu des Ouled Riah dans le Dahra par le général Pélissier en juin 1845…

Abdelkader Mame lors du débat de son film où est annoncée l’idée commune entre lui et moi de travailler à un film documentaire sur Anna Gréki, mais où sont également citées et commentées nombre de réalisations du cinéma algérien des années d’avant le terrorisme dont  « Colonialisme sans empire »  et « Combien je vous aime » du regretté Azzedine Meddour commenté par Abdelkader Alloula…


Fin d’après midi l’ensemble des colloquants est invité à une visite de la ville romaine de Timgad située à une cinquantaine de kms de Batna, y recevoir les diplômes de participation à ce colloque ….


De retour à l'hôtel Hazem, ce sera enfin au tour des enfants de recevoir en terrasse et de nuit leur diplôme de remerciement pour leur participation à l'ouverture du 3ème colloque international Anna Gréki de Batna en présence du responsable du bureau local de l'association El Djahidhiya.





Abderrahmane Djelfaoui texte et photos

samedi 1 juillet 2017

l'innocente splendeur d'être peintre

A l'occasion d'un salut amical, Djamel Talbi m'apprend dans la conversation qu'il avait réalisé il y a un an, et presque jour pour jour une peinture en hommage à Nora Nédjai...
Comme je ne connaissais pas l'oeuvre, il m'envoie son image sous verre...



Le titre de cette toile est simple et beau: N O R A

Je me souviens avoir moi même, l'an dernier, à cette même époque, reproduit en ligne une toile de la peintre elle meme...

Toile à propos de laquelle un lecteur avait écrit en étonnant et juste commentaire: " Un zeste de cubisme, un clin de "pinceau" du cote de l' art oceanique, une orgie de couleurs intenses..."

Et là, résurgence, résurrection et renouveau d'émotion d'une solidarité affectueuse: la toile de Djamel Talbi sortant du nid de la vie et son principe inaliénable: EL HOURIA, la liberté...



Titre Nora Technique : acrylique sur toile marouflée. Dimension : 22cm X 15 cm Date 26 juin 2016

les moissons faites...

Les moissons faites,
l'asphalte craque sous la canicule
et les nuages dansent la danse de l'autre retour
sur les hautes plaines sétifiennes....




Abderrahmane Djelfaoui